Type de document : Research Paper

Auteurs

1 Maître de conférences, Université Shahid Beheshti

2 Maître assistante, Université de Mazandaran, Iran

Résumé

Résumé
Mise au premier plan dans le champ littéraire contemporain, la pulsion autobiographique, autrefois refoulée par la vague structuraliste des années 50-60 excluant l'auteur de sa création, renaît avec une grande diversité et inventivité à cette fin du siècle et atteint son apogée pendant ces dernières années. En perpétuelle transformation quant à ses formes et à ses contenus, la pratique autobiographique d’aujourd’hui se singularise par son hétérogénéité et par ses transgressions des préceptes canoniques du genre, formalisés par les théoriciens dont Philippe Lejeune et Georges Gusdorf. D’ailleurs, cette prédilection esthétique pour l’introspection se révèle notamment dans nombre de récits, écrits par des femmes, frappant le lecteur par la façon dont elles s’écrivent.
Le présent article se propose d’enquêter la mise en scène de soi dans trois ouvrages du XXIe siècle, à savoir l’œuvre autobiographique d’Annie Ernaux, de Catherine Cusset et de Simine Behbahâni, du fait qu’elle reflète une ouverture quasi-totale à autrui au point que ce n’est plus le moi qui a la pleine puissance et qui l’emporte dans le texte. Cette écriture moins concentrée sur le « je » approche ces tentatives autobiographiques de ce que l’on appelle « alterbiographie ». Chez elles, le récit de soi se manifeste comme l’écriture de l’autre que l’on se propose d’étudier à la lumière des théories de critique littéraire générique au féminin.

Faits marquants

Extended abstract

 

Autobiography or Alterbiography? Writing the Self at Annie Ernaux, Catherine Cusset and Simine Behbahâni

Put in the foreground in the contemporary literary field, the autobiographical impulse, formerly repressed by the structuralist wave of fifties and sixties that used to exclude the author from his creation, was reborn with great diversity and inventiveness at the end of the century and reached its peak during these last years. In perpetual transformation as to its forms and contents, today's autobiographical practice stands out for its heterogeneity and for its transgressions of the canonical precepts of the genre, theorized by the theorists of which Philippe Lejeune and Georges Gusdorf are the best known. Moreover, this aesthetic predilection for introspection is revealed in many stories, in particular, written by women, striking the reader by the way they are written.

This article aims to investigate the staging of the self in three works of the 21st century, namely the autobiographical work of Annie Ernaux, Catherine Cusset and Simine Behbahâni. Because they reflect an almost total openness to Others to the point that it is no longer the self that has full power and prevails in the text. Getting away from “I” approach, these writings are shifting from autobiographical attempts to what is called “alter-biography”. Concerning these writings, the narrative of oneself is interchangeably presented as a writing of a third person who proposes to study in the light of theories of generic literary criticism for women.  

The autobiographical works of Annie Ernaux, Catherine Cusset and Simine Behbahâni represent one of the current inflections of the autobiographical genre by opening up to the Other, the mother. Our aim is to demonstrate why writing the maternal biography is essential for the authors mentioned in order for them to define themselves and write their own story. This angle makes it possible to evoke the mother-daughter relationship from a perspective that is both textual and generic in feminine writing.

The autobiographical project would be the staging of a hegemonic subject that would reveal the ego. However, the case is not the same for Ernaux, Cusset and Behbahâni in whom the autobiographical work takes a heterodox form, given the place given to others. Effectively, these authors set up a structure, which unites the story of the self and the story of their mothers. By means of the autobiographical account, Ernaux, Cusset and Behbahâni carry out “a return to the origin” (Lejeune, 1975, 7) through speaking of their mother. The self-narratives speak of the autobiographer's mother fits well with the Rousseauist model of the autobiographical. What sets the autobiographical enterprise of these three authors apart from the traditional ones is the self-effacement in favor of maternal omnipresence and primacy in their writings. In addition, for them, the evocation of the life of a mother goes beyond the

 

biographical summary of the parents, which any traditional autobiography bears witness to. The biographical space created by these three authors with the significant presence of the mother differs from a traditional biography.

On the other hand, if Cusset, Behbahâni and Ernaux attach a very particular importance to the life of their mother to the point that their autobiographical work overlaps with biography, is this not an original strategy to speak of themselves? “Talking about oneself indirectly” is, according to feminine literary critics, one of the specificities of the autobiography of women. By resorting to the accounts of others, they therefore write an autobiography less focused on the “I”.

For theorists of feminist criticism, female individuality is defined in relation to others, especially other women. In light of this research, feminist critics point out that female individuality is concerned with establishing relationships with other people instead of establishing protective barriers, hence a “relational” ego. This is to say that women are often aware of themselves in their relationship with others, playing a crucial role in shaping their individuality. The relationship with the other is thus essential to their construction of identity, particularly that which is established with the mother.

 

Keywords— Migrant literature, Otherness, Subjective representation, Ethical discourse, Empathy.

Selected References

[1]    BEHBAHANI Simine, Accompagné de ma mère : une autobiographie, Edit. Soxan, Téhéran, 2012.

[2]    CUSSET Catherine, La Haine de la famille, Gallimard, coll. « Folio », Paris, 2001.

[3]    DIDIER Béatrice, L’Ecriture-femme, Presses Universitaires de France, Paris, 1981.

[4]    ERNAUX Annie, Une femme, Gallimard, Paris, 1987.

[5]    SAINT- MARTIN Lori, Le nom de la mère : mères, filles et écriture dans la littérature québécoise au féminin, Nota bene, Québec, 2014.

Mots clés

Sujets principaux

I.      Introduction

A la charnière des années 70 et 80, on est témoin d’un double phénomène de clôture et d’ouverture dans le domaine critico-littéraire : d’une part, la perte d’audience des partis-pris idéologiques et la tiédeur de la littérature formaliste et théorique, dues en grande partie à la désintégration des groupes comme Tel Quel ou à la mort des grandes figures telles que Roland Barthes ou Jacques Lacan, ayant un rôle décisif en la matière annoncent déjà la fin des grands travaux consacrés exclusivement à l’écriture et à la linguistique. D’autre part, alors que la montée en puissance de la pensée structuraliste rend désuète, par son évacuation du sujet, toute possibilité d’analyse d’une expression personnelle, de nouvelles orientations et tendances marquent l’émergence ou pour mieux dire le retour des éléments soi-disant traditionnels de la littérature, le sujet entre autres. L’apparition des textes qualifiés d’autofiction, comme ceux de Doubrovsky, de Robbe-Grillet, de Modiano, de Perec, d’Angot, entre autres, brouillant les frontières entre la fiction et l’autobiographie, selon différentes modalités, en est l’un des exemples le plus marquant de la littérature de l’extrême contemporain.

Si, pour les femmes, ces initiatrices de la production intimiste, l'écriture de soi inaugure une entrée en littérature, une voie de se mettre en scène lorsqu'elles se sont trouvées interdites de parole publique, elle reste encore leur première préférence. Catherine Millet, Christine Angot, Annie Ernaux, Catherine Cusset, Camille Laurens, Marie-Sissi Labrèche, Marie Darrieussecq, entre autres, traversent l’espace autobiographique par de nouvelles perspectives et de nouveaux modèles, présentant d’importantes convergences avec les conventions canoniques.

L’œuvre autobiographique d’Annie Ernaux, de Catherine Cusset, romancières françaises, et de Simine Behbahâni, poétesse iranienne, représente l’une des inflexions actuelles du genre autobiographique, jusqu’à remettre en cause l’appellation même et à l’ouvrir sur l’Autre. Notons au passage en ouvrant des parenthèses que cette ouverture à l’Autre pousse ces œuvres autobiographiques vers ce qu’on appelle l’alterbiographie, ce que nous allons évoquer tout au long du présent travail. Notre objectif consiste à démontrer en quoi l’écriture de la biographie maternelle est en grande partie essentielle, sinon indispensable aux auteures mentionnées pour qu’elles se retrouvent et rédigent leur propre histoire. Cet angle permet d’évoquer la relation mère-fille et cela dans une perspective à la fois textuelle et générique de l’écriture au féminin. Notre approche, basée sur la traduction du mot anglais gender, rappelle que le genre, comme tout autre concept dans les sciences humaines est polysémique, notamment après les travaux de Scott (1988), ceux de Hurtig, Kail et Rouch (1991). Moyen d’analyse, l’étude du substantif témoigne de la modification du concept d’un espace linguistique à d’autres, tels naturel, historique, social, psychologique. Notre analyse s’éclairera alors par une réflexion sur l’identité et l’écriture féminines.

II.       Autobiographie Au Féminin : Une Transgression À Double Face

De prime abord, pour éclaircir certains domaines, on commence en passant en revue une brève définition de l’alter-biographie. En effet, l’autobiographie se définit en grande partie par le pacte de lecture, établi entre l’auteur et le lecteur, notamment selon Philippe Lejeune, et par une identification onomastique en particulier. De même, une autre variété de l’écriture de soi, à savoir l’autofiction, se fait une place dans la littérature francophone de l’extrême contemporain comme genre hybride. Elle mêle fiction et autobiographie plutôt selon Colonna -qui distingue une version « référentielle » en ce sens- ou bien elle dévoile l’écriture du divan, davantage « stylistique », c’est-à-dire sans respect phrastique de syntaxe ou de grammaire, comme le souligne Doubrovsky. L’alterbiographie, en revanche, expression que nous avons empruntée plutôt du domaine vidéoludique et proposée au sens littéraire, sera mise à l’étude dans cet article, en tant qu’une autobiographie, désaxée du moi, tournée surtout vers l’Autre, notamment la mère du protagoniste1. Autrement dit, les liens entre le je et les autres, font pâlir les frontières, entre auto/alter/biographie. Dans le corpus choisi, ces rapports ne cherchent pas de prime abord à instaurer un pacte autobiographique au sens traditionnel.

Outre les recherches déjà effectuées en la matière depuis les années 80, en particulier tout ce qui porte l’étiquette de l’autobiographie2, nous nous sommes plutôt intéressées aux travaux présentés sur les rapports mère-fille à la loupe d’autres approches, mais en vue de rappeler l’intérêt de ce lien filial parmi tant de titres et de publications sous forme de livres et articles ou pour l’obtention d’un diplôme universitaire3.

De nombreuses recherches se sont consacrées également à l’étude des nouvelles tendances de l’écriture autobiographique, alterbiographie entre autres, à titre d’exemple, l’article intitulé « Auto-alterbiographie dans Les Géorgiques et Le Jardin des Plantes de Claude Simon » (Belarbi, 2007, pp. 151-166). D’ailleurs, l’écriture de soi chez les femmes constitue le sujet d’abondants travaux de recherches déjà effectuées. Pour s’en rendre compte, on peut citer plusieurs études comme « Un genre à part : l’autobiographie et la gynocritique » (Boileau, 2008, pp. 298-304), « Notes sur l’entre-deux : de la biographie à l’autobiographie des femmes » (Mcdonald, 2005, pp. 339-349), Ecriture des femmes et autobiographie (Castro, 2001), « Le geste autobiographique dans la littérature féminine : une esthétique » (Paque, 1992, pp. 273-286), L'autofiction au féminin : une relecture de l'identité sexuelle féminine dans la littérature française et francophone au tournant du XXe et XXIe siècle (Graa, 2016), entre autres. La question d’altérité, la présence de mère dans l’autobiographie des femmes et la relation mère-fille ont été également traitées dans nombre de recherches : Le nom de la mère : mères, filles et écriture dans la littérature québécoise au féminin (Saint-Martin, 1999), La relation fille/mère : procédés de narration dans quelques autobiographies contemporaines, Colette, Sarraute, Ernaux (Kieffer-Huittinen, 2013). En plus, plusieurs recherches ont été déjà effectuées sur l’œuvre autobiographique des auteures de notre corpus : « ‘’Moins seule et factice’’ : la part autobiographique dans Une femme d’Annie Ernaux » (Mall, 1995, pp. 45-54), « Tombeau d’une mère : “Elle” e(s)t “je” : Une femme et Je ne suis pas sortie de ma nuit d’Annie Ernaux » (Boehringer, 1999, pp. 155-163), « Albert Cohen, Annie Ernaux et le portrait problématique de la mère » (Maisier, 2008, pp. 51-63), « La filiation autofictive entre Serge Doubrovsky, et Catherine Cusset » (Jouan-Westlund, 2017, pp. 37-55), « Polyphonie narrative dans Accompagnée de ma mère, une autobiographie » (Mohammadi, 2014, pp. 73-86) ; des études, certes variées, par leur outil d’analyse auxquelles notre article s’ajoute alors comme une tentative contrastive des écrits divergents du point de vue de langue et de culture, mais convergents quant à l’écriture féminine.

Parallèlement à la floraison des textes autobiographiques et des analyses critiques portant sur la variété des écritures de soi, la critique littéraire au féminin cherche à examiner de près une spécificité éventuelle d'une écriture au féminin. A la recherche des particularités féminines dans la production littéraire des femmes, les critiques, célébrant la différence des sexes, se donnent à des tentatives de théorisations dont une grande partie se consacre à l’écriture de l’intime. A vrai dire, les genres de l’intime, constituant en soi un nouveau domaine de recherche, sont considérés comme « le lieu de la manifestation et de l’affirmation de la différence féminine » (Boileau, 2008, p. 290). L’autobiographie, grâce à sa valorisation de la subjectivité et sa considération des dimensions de la vie, détient une place de premier rang dans les recherches de critique littéraire au féminin (Wilson, 1990, p. 614). Ce champ d’étude, en constante évolution, contribue largement à l’établissement d’une certaine poétique de l’autobiographie au féminin. Celle-ci croit en une conception hétérogène de son sujet d’étude et essaie d’éviter de tomber dans le piège d’essentialisme ou d’une synthèse qui cherche à unifier.

L’expérience autobiographique des femmes est tenue pour une double transgression. D’une part, étant donné que l’autobiographie assume une révélation de soi, elle lance un défi à l’idéologie normative4, prescrivant un tempérament humble de l’essence féminine. En d’autres termes, l’entreprise autobiographique a longtemps été représentée par la société comme un privilège réservé aux hommes, compatible avec la nature impérieuse que l’idéologie normative inculque à la masculinité contre une nature effacée, inculquée à la féminité. En conséquence, l’écrivaine qui est persuadée d’écrire une autobiographie et non une œuvre de fiction, mettant à nu son désir de transgresser l’autorité culturelle et littéraire, se retrouve en position de pouvoir ou de contrôle sur son statut et ses ambitions. En choisissant de parler publiquement de son expérience féminine, souvent réprimée ou passée sous silence, la femme autobiographe arrive à confirmer son expérience subjective et à s’inscrire dans l’histoire.

D’autre part, le rapport qu’entretiennent les textes autobiographiques écrits par les femmes à l’égard du genre autobiographique stricto sensu est un rapport ambigu voire transgressif dans le sens où la production autobiographique des femmes ne s’intègre pas souvent dans les paramètres théoriques du genre, d’où de nombreuses critiques et de dépréciations adressées à son égard au cours de l’histoire du genre autobiographique. Si certains critiques littéraires considèrent les tentatives autobiographiques des femmes comme « à l’encontre de la définition traditionnelle (patriarcale) de l’autobiographie » (Jackel, 1987, p. 97) de sorte qu’on les baptise parfois « autogynographie » (Jackel, 1987, p. 97), d’autres considèrent cette transgression comme une particularité. Dans le même sillage, Jacques Lecarme et Eliane Lecarme-Tabone, dans leur ouvrage consacré à l’étude de l’autobiographie, partagent l’idée qu’« une autobiographie de femme présentera forcément une spécificité par rapport à une autobiographie masculine » et que le projet d’écrire sur soi se distingue chez les femmes par des « démarches obliques » (Lecarme et Lecarme-Tabone, 1997, p. 93). Ils justifient cette particularité par la situation de la femme dans la société, marquée par des « siècles de dépendance et d’effacement » (Lecarme et Lecarme-Tabone, 1997, p. 93). Les autobiographies écrites par les femmes se singularisent sur quelques plans dont l’un attire particulièrement notre attention, quant à nos trois auteures.

III.  Ethique Une Mise En Scène Allusive Du Moi Ou Une Projection Autobiographique

Toute tentative autobiographique s’efforce normalement de répondre à ces questions : « Qui suis-je ? » « Comment suis-je devenu(e) moi ? » Philipe Lejeune, le théoricien du genre, précise qu’« on écrit une autobiographie pour se remettre au monde soi-même » (Lejeune, 1998, p. 121). Le projet autobiographique serait alors la mise en scène d’un sujet hégémonique qui révèlerait le moi. Pourtant, le cas n’est pas pareil pour Ernaux, Cusset et Behbahâni chez qui l’œuvre autobiographique prend une forme hétérodoxe, vu la place accordée aux autres. Effectivement, ces auteures mettent en place une structure qui conjoint le récit de soi et le récit de leur mère au point que le texte autobiographique devient plutôt un texte « matricentrique ».

Accompagnée de ma mère : une autobiographie (2012) de Simine Behbahâni, comporte trente-huit chapitres de longueurs différentes, appelés « lettres » par l’auteure, à travers lesquels l’écrivaine évoque sa vie. Le récit épistolaire commence par l’évocation des faits présents, sous forme d’un monologue, adressé à un amant imaginaire et continue par une remontée rétrospective où l’auteure essaie de reconstituer le passé pour donner accès à son propre vécu en parallèle avec l’histoire de sa mère, sinon au même titre. Le récit s’ouvre sur une scène traditionnelle en Iran, la première étape pour se marier, celle où les proches d’un prétendant se rendent chez la famille de la fille. Dans le livre de Behbahâni, c’est l’épisode où la mère et la sœur d’un jeune homme viennent demander la main de la jeune fille que narre l’auteure : « Ma mère, était debout en dehors de la pièce, tenant un plateau à thé dans les mains. A l’époque, elle s’appelait Fakhr-Ozmâ, mais on l’appelait Fakhri » (Behbahâni, 2012, p. 11). En fait, le livre se compose des réminiscences qui s’échappent librement des contraintes syntaxiques et spatio-temporelles comme pour arriver au seuil de la psyché, en se plongeant dans les rêveries et les souvenirs. A l’absence du père en exil, sa mère devient son autre « moi/alter ego », voire son « super ego/surmoi ». Cette personne au rôle déterminant dans son éducation et l’évolution de sa personnalité s’idéalise parfaitement : « Poétesse et auteure. Elle était savante. Epouse et soutien qui était le pilier de la maison » (Behbahâni, 2012, p. 36). En soulignant sa totale identification avec sa génitrice, en affirmant qu’il s’agit d’un destin qui se répète par l’évocation de sa vie, modelée sur celle de sa mère (Behbahâni, 2012, p. 36), Behbahâni, « incorporée par l’attitude de sa mère » (Karimian, 2019, p. 92) découvre la trace du système de ses propres valeurs dans l’expérience de vie de sa mère : de son goût pour l’esthétisme, à sa tolérance, son pluralisme et son ouverture d’esprit malgré sa ferme croyance religieuse -apprendre à jouer de la musique par un professeur juif, etc.- en passant par un nationalisme chanté haut et fort par la mère ainsi qu’un penchant pour la justice sociale qu’elle réclame de même ; ce modèle maternel tracera la voie à suivre par Simine. Au fil des pages, le lecteur accompagne la narratrice dans les méandres de la vie de sa mère, Fakhri, dont les obsèques mettent le point final au récit. Le portrait maternel est partout dominant dans Accompagnée de ma mère : une autobiographie, au point que l’auteure n’arrive pas à évoquer sa propre histoire sans évoquer celle de la mère. Cela se renforce davantage grâce au titre déjà, où en persan sa présence ne se fait distinguer qu’au sens possessif, ajouté à la fin du substantif « mère »5. Quant à sa traduction française, sa présence se diminue à un « e » féminin à la fin du participe passé -utilisé comme adjectif- suivie d’un possessif de la 1ère personne du singulier pour laisser place plutôt au nom et à la présence de la génitrice. Il est vrai que le genre de l’écrit qui figure dans la seconde partie du titre du livre et le possessif rappelant également la présence de la narratrice, mais en position cependant secondaire, dirait-on plutôt sous-titre, comme si la sienne pâlissait devant l’autre et qu’elle ne se souvenait de sa vie que par procuration. Complexe et intime, cette écriture interpelle un destinataire absent, muet et anonyme, qui pourrait être le lecteur, l’amant imaginaire, mais surtout sa mère, comme le suggère le titre du roman. L’ouvrage se termine avec l’évocation de la disparition de cet être cher, mais aussi sur une dissolution complète dans l’autre, comparée à celle d’un morceau de sucre dans un verre d’eau (Behbahâni, 2012, p. 265). Cela incarne la fusion avec la mère au plus haut degré, surtout lorsqu’elle déclare qu’il s’agit de « son modèle, sa quête » (Behbahâni, 2012, p. 293), d’un « être surnaturel », « celui qui sied dans son for intérieur et dont elle n’a guère besoin de la présence physique et extérieure » (Behbahâni, 2012, p. 292). Cependant, comme le destinataire est une personne anonyme, cette astuce montre une apostrophe à portée également universelle.

Par ailleurs, dans La Haine de la famille (2001), une saga familiale, Catherine Cusset présente une version complète de sa famille au centre de laquelle se place la mère. Il importe de signaler que sa propre présence tend à s’éclipser, dirait-on, face à une emprise doublement maternelle ; qu’elle soit celle de sa mère ou de sa grand-mère. Ce roman à la première personne, ce récit aux accents biographiques, explore les rapports de parenté dans une famille française parisienne et bretonne, juive et catholique, en relatant en particulier le rapport quelquefois fusionnel avec la mère. Ce récit de voltige, bien coloré avec les cartes attribuées aux joueurs « d’un football » familial, comme l’auteure le précise sur la quatrième page de la couverture, traduit une lucidité d’analyse où la narratrice se garde de condamner ou d’encenser avec intelligence, loin d’une tradition autobiographique, les membres, leurs travers et leurs qualités. La description de la vie des siens retrace à quel point ils sont soudés, et si quelquefois l’auteure entre en conflit avec ses parents, ses frères et sa sœur, ce n’est que pour se réconcilier davantage avec eux, avec soi. Rien n'est épargné au lecteur : qu'il s'agisse de la digestion maternelle, de la nuit de noces des parents, ou de l'agonie de la grand-mère à l'hôpital. De même, elle rappelle à plusieurs reprises que leur origine, du côté maternel, est sémite, sans cependant vouloir s’en vanter : « On est les enfants de notre mère, qui est la fille de sa mère, qui est juive. Maman n’a pas de religion, ni grand-maman. C’est une famille parisienne athée depuis des générations » où « le mot juif n’a jamais été prononcé jusqu’en 1940 » (2001, p. 186). En fouillant dans les origines de ses génitrices, malgré le refus a priori superficiel du sémitisme, elle semble s’efforcer de mieux trouver la sienne. 

Le livre cherche à exposer, en ce sens, une étape de reconstitution identitaire et à retravailler l’enfance. Tout au long du livre, on retrouve le regard de la narratrice, Marie, qui se transforme en juge de sa mère, juge. Pendant son enfance, elle n’obtient que difficilement l’assentiment maternel : « moi qui ne suis ni le premier enfant ni le garçon attendu, moi dont la place n’est pas prévue… » (Cusset,2001, p. 64. Voir aussi Cusset,2001, pp. 47, 53, 57, 77, etc.). Après ses réussites à l’Ecole Normale Supérieure, on assiste à un coup de théâtre qui la met en une situation où elle se permet d’analyser, non sans ironie parfois, sa mère. Il est vrai que la narratrice n’aime pas la revendication juive de sa mère et qu’elle se met en colère après elle de vouloir répéter sa vie pendant la guerre et l’embarcation de sa mère par les miliciens aux autres, mais elle fait part de long en large dans ce livre de ses liens avec elle : « c’est ce drame qui explique toute ma vie, ma relation avec ma mère, mes peurs »(Cusset,2001, p. 198).

Par ailleurs, notons en passant que la présentation du livre se fait en chapitres, accordés à ses géniteurs, à leur maison en Bretagne, et à la figure emblématique maternelle qu’illustrent Elvire, la mère, et Simone, la « grand-maman », deux femmes de caractère, avant de le clore tristement sur un chapitre consacré à la fin de la vie de Simone dans un hôpital. La cinquantaine de pages consacrées à chacune, d’abord en position centrale à l’évocation de la mère qui exerce le métier de juge -certes avec la présence de la narratrice, puis le même nombre de pages, située en position finale en vue de retracer la vie de sa grand-mère, l’ancienne avocate -sans cependant négligée Elvire (la mère)- l’intégralité de cette histoire redondante, en forme de poupées russes, constitue presque la moitié de l’ouvrage, soit 110 pages sur 225. Dans ce récit à tendance autobiographique, l’auteure-narratrice reste en filigrane au point que selon l’aveu de l’auteure dans son entretien avec Xavier Houssin, cet ouvrage « est peut-être un des livres qui s’approche le plus près de l’intimité d’autres que moi » (Cusset & Houssin, 2010, p. 10). Essentiellement basé sur les rapports mère(s)-fille(s), sur trois générations, ce roman représente « un désir d’approcher l’autre au plus près » (Cusset & Houssin, 2010, p. 10) à un tel niveau que l’égotisme autobiographique se présente de façon détournée, voire malaisée. Cette projection autobiographique sur la mère éloigne l’ouvrage de Cusset de la conception traditionnelle du genre, comme « un récit rétrospectif en prose qu'une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu'elle met l'accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l'histoire de sa personnalité » (Lejeune, 1975, p. 14). 

Il en va de même pour la projection autobiographique qui se trouve chez Annie Ernaux, l’écrivaine prolifique, qui place la mère au centre de ses écrits autobiographiques. Exclusivement consacré à la vie de sa mère, son ouvrage, Une femme, rend hommage à la figure maternelle sans passer sous silence les relations conflictuelles entre elles. En réalité, la mère d'Annie Ernaux s'éteint dans une maison de retraite le lundi 7 avril 1986 suite à une maladie cérébrale, et par conséquent, à la déchéance physique et intellectuelle. Ainsi Annie Ernaux s'efforce-t-elle de recomposer sa vie. Elle essaie d’exposer la quête du sens de l'existence d'une femme, passionnée de lecture malgré son rang modeste. Contrairement au père, elle est ouverte à la culture et tient l'école en estime et c’est elle qui semble préparer l’évolution de sa fille. Dans le couple, elle est la « figure dominante »6, au caractère affirmé, celle qui souhaite s'élever et élever, en plein sens du terme, Annie. Celle-ci ressent beaucoup d'empathie et de compréhension pour le personnage qui a préparé, à sa façon, son évolution. Malgré leur relation assez tendue, voire quelquefois problématique, elles s'aiment et se protègent l'une l'autre.

Si La place, évoque plutôt l’image paternelle, Une Femme, un concentré de réalisme et d'émotion7, se consacre en grande partie à sa mère après son décès. Annie Ernaux y replonge dans son arbre généalogique pour rappeler ses souvenirs maternels trois semaines après l’enterrement de sa « maman ». C'est une histoire d'amour entre une mère et une fille, des sentiments ambivalents qu'elles partagent à titre de réciprocité. S'appuyant sur des images indélébiles de sa mémoire, des photos et des lettres écrites à ses amies, Ernaux interroge la fille qu'elle a été et la vie de cette disparue afin de la vénérer et de combler le fossé infranchissable entre elles, l’ouvrière et la romancière, comme pour récompenser la distance éternelle. L'écriture, précise et plate8, la ressuscite d'une manière bouleversante, il s’agit de l'incarnation du temps et de la condition sociale d'origine. Voici ce que l’on lit au sujet de l’origine modeste de l’écrivaine qui l’avoue sans chercher à la modifier dans ses écrits : « Je voudrais saisir la femme qui existait en dehors de moi, la femme réelle, née dans le quartier rural d’une petite ville de Normandie et morte dans le service gériatrie d’un hôpital de la région parisienne. » (Ernaux, 1987, p. 23). Il en va de même lorsqu’elle « essaie de ne pas considérer la violence, les débordements de tendresse, les reproches de ma mère, comme seulement des traits personnels de caractère, mais de les situer aussi dans son histoire et sa condition sociale. » (Ernaux, 1987,p. 52) 

L'auteure cherche ainsi à faire partager à merveille au lecteur cette dimension dramatique de tout individu après la disparition de sa mère avec une intensité remarquable à chaque mot, à chaque ligne, à chaque page, afin de retrouver en dix mois de rédaction toute une existence, celle de la mère et de la fille. De ce récit simple, authentique et courageux, de ce témoignage hautement personnel, poignant, sans fioriture, de fille-auteure, qui ressemble à une chronique factuelle, surgit le sentiment irréversible face à la fatalité et au déclin de celle qui l’a mise au monde. Son départ coupe le dernier lien avec ses racines : « J’ai perdu le dernier lien avec le monde dont je suis issue » affirme-t-elle au sujet de cette coupure du cordon ombilical (Ernaux, 1987, p. 106). On reconnaît à travers ses mots, la vive douleur d’une séparation poignante qui l’empêche de passer, après la mort de sa génitrice, du côté de sa dernière résidence : « Mais je ne supporte pas d’aller dans le quartier de l’hôpital et de la maison de retraite »(Ernaux, 1987, p.43). 

Bien que tout projet autobiographique soit indissociable d’un dédoublement de soi, la démarche d’Ernaux revêt le je d’un aspect qui s’identifie facilement avec « elle », la mère. Selon Nancy Chodorow, l’autoreprésentation des écrivaines frôle et se combine constamment avec l’image maternelle, et « l’expérience du moi, dans les relations mère-fille demeure à la fois séduisante et effrayante : l’unité c’était la félicité, pourtant, elle signifie la perte du moi et la dépendance totale. » (Chodorow, 1989, p. 71)

IV.  Substitution Du Biographique A L’autobiographique

Moyennant le récit autobiographique, qui « est une tentative de regagner ce qui a été perdu » (Gusdorf, 1980, p. 39), Ernaux, Cusset et Behbahâni effectuent « une remontée vers l'origine » (Lejeune, 1975, p. 7) en parlant de leur mère. Que les récits de soi parlent de la mère de l’autobiographe, cela s’accommode bien avec le modèle rousseauiste9 de l’autobiographique. Or, ce qui met l’entreprise autobiographique de ces trois auteures hors du traditionnel, c’est le quasi effacement de soi au profit de l’omniprésence et de la primauté maternelles dans les écrits susmentionnés. En plus, chez elles, l’évocation de la vie de mère dépasse le résumé biographique des parents dont toute autobiographie traditionnelle en fait foi. Ainsi le lecteur d’Accompagnée de ma mère : une autobiographie se trouve-t-il d’emblée face à une confusion ; s’agit-il d’une autobiographie de poétesse, vu la mention générique de l’« autobiographie », précisée sur la couverture et même dans l’intitulé de l’ouvrage ou d’une biographie de la mère, vu l’ubiquité de la figure maternelle ? La même confusion s’installe chez le lecteur d’Annie Ernaux dont le titre du récit autobiographique, à savoir Une femme, laisse un grand point d’interrogation, surtout due à l’emploi de l’article indéfini. Une femme, s’agit-il de celle qui écrit, le « je » sujet ou de celle qui est écrite, notamment la mère ? Quant à Catherine Cusset, il importe de dire que La Haine de la famille retentit un émouvant hymne à la figure maternelle parmi d’autres représentations familiales. Tous ces portraits brossés indépendamment, mais aussi fortement reliés entre eux, ne présenteraient-ils pas une autobiographie travestie où semble contrebalancer l’hostilité par l’amour des proches, notamment celui de sa génitrice ?

Ainsi, chez ces trois autobiographes, le récit de soi « s’indexe à l’écriture de l’autre, des autres, qui en amont, d’une manière ou d’une autre, ont contribué à faire du sujet ce qu’il est devenu » (Viart, 2007, p. 115). Cette tendance qui est, selon Dominique Viart, l’une des « mutations décisives » de la production autobiographique de ces deux dernières décennies, trouble en fait la démarcation qui sépare l’autobiographie et la biographie. Clairement dissemblables d’après les définitions théoriques, ces deux formes scripturales se diffèrent quant à l’identification de trois éléments de la triade. Si dans une autobiographie canonique l’auteur, le narrateur et le personnage ne font qu’un, l’homonymie ne se respecte pas chez Cusset. De là vient en particulier l’attribution de la qualité biographique à cette œuvre à portée autobiographique, même si sur d’autres points résident de nombreuses similitudes. Chez elle, c’est la narratrice et le personnage qui sont homonymes, Marie, différente de Catherine, ce qui est encore drôlement étrange pour une écriture intimiste, tandis chez les deux autres auteures on rentre l’identification de prénom.

D’ailleurs, l’espace biographique, créé par trois auteures moyennant la présence significative de la mère, se diffère d’une biographie traditionnelle qui « chercherait à rendre compte de quelqu’un pour lui-même, et donc de façon aussi précise, aussi exhaustive que possible » (Viart, 2007, p. 109). Ecrire la vie de la mère s’exerce chez les trois auteures dans une perspective choisie. De la vie de mère, Ernaux, Behbahâni et Cusset ne retiennent que les détails significatifs, disons des « biographèmes » (Barthes, 1995-1996, p. 1045) pour reprendre le terme employé par le critique. Pour ce qui concerne Ernaux, nous lisons ceci en la matière : « Il fallait que ma mère, née dans un milieu dominé, dont elle a voulu sortir, devienne histoire, pour que je me sente moins seule et factice dans le monde dominant des mots et des idées où, selon son désir, je suis passée. » (Ernaux, 1987, p. 106). Quant à Cusset, celle-ci situe La haine de la famille dans la veine d’autofiction, exposant une « écriture dans laquelle rien n’est inventé, tout est vrai, et dont le but est de rendre compte du réel » (Cf. entretien avec Xavier Houssain, 2010). Cette position se reconfirme également dans un autre entretien avec Stève Puig en mai 201410. En réalité, ce sont plutôt la ville et l’origine de sa famille maternelle, parisienne et juive, que l’auteure retient et reprend dans trois quarts du livre. Pendant la deuxième guerre mondiale, lorsque les miliciens français entrent chez la grand-mère pour l’embarquer, elle et ses deux filles, dont Elvire (la mère de la narratrice), Simone s’y oppose en soulignant que ses filles ont été baptisées : cette scène remplit les pages du chapitre « 1943 » du roman de Cusset. Parallèlement, le prénom, la famille lettrée et l’écriture poétique de la mère de Behbahâni sont les traits réels qui la destinent pour ce qu’elle deviendra dans sa propre vie et donnent raison au concept barthien (Cf. 2012, pp. 11 et 36. Supra, p. 5). La mère est ainsi biographiée par le sujet biographe en vue d’un intérêt outre qu’elle-même. En fait, « le récit de l’autre - [la mère]- est le détour nécessaire pour parvenir à soi » (Viart &Vercier, 2005, p. 77) dans la mesure où on pourrait parler de « biographie pour soi ».Le sujet biographe, la fille, se lit dans la biographie de la mère. Ces jeux de miroir entre les deux figures féminines nous rappellent ce que dit Virginia Woolf à ce propos : « C’est à travers nos mères que nous pensons si nous sommes femmes. » (Woolf, 1977, p. 113)

V.      Mise En Scène De Soi Par Le « Truchement De L’altérité »11, Une Spécificité Féminine ?

Si Cusset, Behbahâni et Ernaux accordent une importance très particulière à la vie de leur mère au point que leur œuvre autobiographique chevauche vers « la biographie de la figure de l’ascendance » (Raoufzadeh, 2015, p. 50) n’est-ce pas une stratégie originale pour se dire elles-mêmes ? « Parler de soi indirectement » est, selon les critiques littéraires au féminin, l’une des spécificités de l’autobiographie des femmes (Long, 1999, p. 36). En recourant au récit d’autrui, elles écrivent donc une autobiographie moins concentrée sur le « Je ». Chez Catherine Cusset aussi le familial prime sur l’individuel, ou plutôt un soi qui incarne par extension la famille, plus particulièrement la figure maternelle. Son écriture personnelle, directe et percutante, car sans tabous, ni détours, correspondant à une confidence, combine le désir de dévoilement de vérités dérangeantes, voire quelquefois d’écrire l’indicible. Pour exemplifier ces traits d’écriture, rappelons encore l’anecdote de l’arrestation de Simone, la grand’mère. Elvire, la mère de la narratrice, reçoit sa mère chez elle pour une période où, à chaque réception d’amis, elle reprend l’histoire de l’embarcation maternelle, pour prendre un statut de « victime » ou de « héroïne ». La narratrice évoque ouvertement le rejet de cette attitude, à cause d’un événement historique pour lequel elles n’ont rien fait pour mériter l’étiquette d’héroïsme. Ainsi fait-elle sincèrement part de la haine de sa mère égocentrique et sa honte devant ses amis pour ce comportement faussement vanté (Cf. Ernaux, 1987, p. 187). Suite à cette anecdote, la narratrice cherche souvent donc à diminuer la bravoure de la « grand-maman », par ironie pour transformer ce drame familial et tourner au sarcasme l’exagération de sa mère pour seulement une demi-journée de détention de Simone et d’éloignement de la famille : « Ma grand-mère a sauvé sa peau, mais qu’a-t-elle fait pour lutter contre le nazisme et défendre la démocratie ? » (Ernaux, 1987, p. 204). S’agit-il du dénudement du Je ou de l’autre, la mère ?

De plus, on découvre, le clin d’œil intertextuel à la phrase gidienne et le sentiment qui plane sur le livre. Même si a priori son nom n’apparaît pas dans l’intitulé du roman, mais le syntagme composé d’un article défini, un substantif, suivi d’un pseudo complément de nom semble plutôt classique, avec cependant cette différence que « la haine de famille » présente un sentiment à la fois négatif et général, tandis que « de la famille » rend le titre personnel. L’illustration de la petite fille sur la couverture comme indice paratextuel ainsi que le nom de l’auteure et celui de la narratrice semblent iconiquement et verbalement provenir de la fille. Ce qui est remarquable, c’est qu’elle fait preuve d’une totale sincérité. Catherine Cusset s’interroge sur elle-même à travers l’histoire de sa famille, en particulier celle de sa mère, dont elle reconstruit la vie passée même lorsqu’elle parle des autres membres de la famille, le père, les frères et la sœur. Les liens se renforcent au travers des lignes de la romancière, déclarant à maintes reprises leurs similitudes : « Je suis comme elle » (Cusset, 2001, p. 77), ou bien « Entre elle et moi, il y a une communauté sacrée, celle des livres » (Cusset, 2001, p. 78), ou encore « Nous avons les mêmes goûts, la même sensibilité » (Cusset, 2001, p. 78) parmi tant d’autres exemples, sans renier son autorité, materfamilias.   

Le cas est pareil chez Behbahâni qui finit son récit là où le récit de sa mère s’arrête :

« J’ai l’intention de continuer à écrire cette autobiographie jusqu’au moment de la mort de ma mère. Je n’écrirai plus. Pourquoi ? Je ne sais pas. Peut-être parce que je n’ai jamais considéré ma vie, digne d’être rappelée. De ma vie, je n’ai raconté que des parties fusionnées avec la vie de ma mère et rien de plus» (Behbahâni, 2012, p. 470)

Parallèlement, avec Une femme, Ernaux déplace pareillement « l’investigation de l’intériorité vers celle de l’antériorité » (Viart & Vercier, 2005, p. 76) pour parler d’elle-même à travers sa mère : « Il y a un personnage qui est certes un pivot dans mes livres, c’est la mère. Sa présentation […] se modifie constamment d’un livre à l’autre, comme s’il s’agissait d’une énigme autour de laquelle je tourne, ou d’un aimant. » (Boehringer, 1999, p. 165) Cette mise à distance de soi se justifie dans nombre des théories de critique féministe, comme une particularité des textes autobiographiques des femmes.

Selon la perspective des critiques féministes, répandue depuis 1980, l’un des principes structurant des récits autobiographiques des femmes est l’« autodécouverte de l’identité féminine » par « la reconnaissance d’une autre conscience » (Irigaray, 1989, p. 35). Si le sujet autobiographique est un être « unifié et autonome », se considérant comme « une grande personne, digne du souvenir des hommes » pour Gusdorf (1991, p. 28) ou encore celui qui « s’appuie sur l’auto-confiance et l’auto-dignité, influencé très rarement par les autres »12 selon Long (2009, p. 383), pour les théoriciennes de la critique féministe, l’individualité féminine se définit en relation avec les autres, surtout avec les autres femmes (Standford Friedman, 1998, p. 38). A la lumière de ces recherches, les critiques féministes précisent que l’individualité féminine se préoccupe d’établir des relations avec les autres personnes, au lieu d’établir des barrières de protection, d’où un moi « relationnel »13 (Standford Friedman, 1998, p. 36). Cela revient à dire que les femmes ont conscience d’elles-mêmes souvent dans leur rapport avec autrui, jouant un rôle crucial dans la formation de leur individualité. La relation à l’autre est ainsi indispensable à leur construction identitaire, notamment celle qui s’établit avec la mère.

VI.    Mère, Elément Indispensable De L'autobiographie Au Féminin

D’après Nancy Chodorow, psychologue, l’une des premières théoriciennes à s’intéresser aux surdéterminations culturelles qui façonnent différemment le développement des frontières du moi chez les petits garçons et les petites filles (1978), le fait que la mère élève les enfants des deux sexes a pour conséquence que les filles s’identifient à la mère alors que les garçons se définissent par opposition à elle. En conséquence, « l’identité des garçons est fondée sur la distinction et la séparation ; celle des filles, sur l’intimité et le rapprochement » (Saint-Martin, 2014, p. 121). En d’autres termes, le garçon se définit en se distinguant et en se séparant de la mère tandis que la fille s’élabore un sens d’identité en s’identifiant avec la mère (Cf. Chodorow, 1989). Dans le même sillage, selon la théorie du stade de miroir de Jacques Lacan, la séparation constitue l’acte de construction identitaire chez le garçon. Christiane Olivier (1980) affirme que, le fils, étant objet du désir de la mère, cherche à se libérer de sa dépendance. En revanche, la fille, moins mise en valeur, cherche à se faire aimer en réprimant ses propres besoins en faveur de ceux des autres. Ainsi, contrairement aux hommes qui élaborent leur moi sur un procès individuel, Behbahâni, Cusset et Ernaux cherchent-elles à fonder leur identité en la posant comme produit des réseaux familiaux et sociaux, au sein desquels s'est déroulée leur existence ; par conséquent, s’affirme leur moi, « relationnel », multiple et composite.

« Le moi est dans une relation permanente d’échanges aux autres qui le construit, non seulement parce que les autres nous façonnent et nous définissent tout au long de notre vie, mais aussi parce que la perception que nous avons de nous-mêmes ne peut être décrite qu’à travers un réseau de significations qui sont des phénomènes sociaux» (Wei, 2008, p. 160)

Dans les textes autobiographiques des femmes, loin d’être unitaire, monumental, exemplaire et unique à la manière d’un Rousseau14, le sens du moi se multiplie alors, existant à plusieurs niveaux à la fois et plutôt « associé aux circonstances, aux exigences d’un lieu et d’un temps particuliers, et notamment aux personnes importantes qui marquèrent leur développement » (Morgan, 1992, p. 29), en l’occurrence la mère dans les trois romans précités. Ainsi, vu la grande importance donnée à l’autre dans la définition de l’identité féminine, « l’écriture autobiographique ne se contente plus d’être une découverte de soi mais devient aussi l’acte d’entrer en relation avec les autres » (Rong Kang, 2009, p. 389). Cette association aux autres et cette relativité de l’identité féminine laissent paraître un moi qui n’est plus hégémonique, mais décentré. Le décentrement et la multiplicité du moi sont donc le résultat d’une construction identitaire, notamment à l’image maternelle, chez les femmes. Voici un extrait qui justifie cet aspect chez Ernaux, par exemple : « Il fallait que ma mère, née dans un milieu dominé, dont elle a voulu sortir, devienne histoire, pour que je me sente moins seule et factice dans le monde dominant des mots et des idées où, selon son désir, je suis passée. » (p. 106)

De nombreux psychanalystes, comme Irigaray, Chodorow et Couchard, affirment donc que le rapport mère-fille, étant le pivot de l’identité féminine, marque profondément l’écriture des femmes. En d’autres termes, étant donné que le positionnement par rapport à la mère demeure « l’une des composantes essentielles de la quête identitaire des femmes » (Saint-Martin, 2014, p. 66), le rapport mère-fille laisse des empreintes décisives sur leur écriture. Les théoriciennes de la critique littéraire au féminin prétendent ainsi que la mère est le prétexte du projet autobiographique de nombre des écrivaines. Dans son étude sur un corpus québécois, Lori Saint-Martin considère le rapport mère-fille comme central dans nombre des projets d’écriture personnelle. « Loin de constituer un seul thème, le rapport mère-fille pénètre tous les niveaux (thèmes, structures, figures, particularités énonciatives) ». (Saint-Martin, 2014, p. 76). Le récit autobiographique des femmes naît, en effet, généralement du besoin d'entrer en dialogue avec la mère. Selon Béatrice Didier, si chez les femmes, l’autobiographie déploie un « retour à l’enfance », c’est en fait pour faire en même temps « un retour à la mère », figure emblématique qui représente à l’état naissant leur personne :

« La présence de la mère prend inévitablement pour les femmes un autre sens que pour les hommes, puisque leur mère est leur exacte matrice, leur préfiguration. D’autant plus sensible que l'âge de l’autobiographie est souvent celui de la maturité et du moment où elles saisissent la ressemblance avec leur mère, ayant alors l'âge qu’elle avait lors de leur enfance. Le retour à la mère est un fascinant retour au Même, ou plutôt à la même. » (Didier, 1981, pp. 25-26. C’est nous qui soulignons)

Pourtant, il faut prendre en considération que la relation mère-fille racontée et vécue connaît des étapes et des formes diverses chez différentes auteures : de la célébration respectueuse de la mère chez Behbahâni à la haine, tempérée d’amour et d’estime de la mère chez Cusset, en passant par la relation fusionnelle et conflictuelle d’Annie Ernaux avec sa mère. Certes, le retour à la mère dévoile l’exutoire d’un terrain d’explorations pour se retrouver, le désir de faire revivre la mère par le biais de l’écriture, qu’il soit sous forme d’un chant d’amour, plein d’admiration canonisée comme chez Behbahâni, qu’il soit une représentation, loin de tout angélisme, mais témoignant d’un réel amour et beaucoup d’égards à la manière de Cusset ou qu’il soit une coexistence harmonieuse chez Ernaux.

Vi. Conclusion

En somme, on peut conclure que cet approfondissement des rapports maternels-filiaux traduit globalement l’entreprise de les revisiter : autant pour formuler une sévère admonestation dans le cas des relations conflictuelles que celui d’expression des liens attendrissants et harmonieux entre mère-fille, avec une distance physique et temporelle indispensable, devenue parfois à leur tour une mère. Pour les trois auteures, cette exploration du passé familial traduit en grande partie leur matrophilie par leur mise en écriture : écrire son histoire, celle de la génitrice, c’est en quelque sorte rédiger sa propre vie. Le « moi » multiple, composite et relationnel, à l’instar de l’image maternelle, caractérise non seulement l’autobiographie moderne, mais surtout celle au féminin, notamment pour Behbahâni, Ernaux et Cusset, afin de la transformer en biographie tout simplement ou en vue d’engendrer une formule antithétique que l’on peut appeler « l’alter-auto-biographie » d’auteures, une sorte de biographie intime et un « je transpersonnel » des romancières susmentionnées. Outre les raisons évoquées ci-dessus, lors de l’expérience de deuil ou de l’avènement de la mort de la progéniture, il importe de noter la portée thérapeutique d’expression du « roman familial » freudien, aidant les auteures dans le travail de deuil après la disparition douloureuse, à retrouver, à reprendre, à retravailler la vie de la procréatrice autant que la leur afin d’enclencher le processus d’écriture par une profonde nostalgie ; celle-ci entraîne à sa suite les souvenirs d’antan, positifs voire négatifs ; ce qui serait le sujet d’un autre article par d’autres approches. En effet, cette tentative n’est guère pour réparer la relation filio-maternelle comme l’explique Marianne Hirsch (Hirsch, 1989, p. 97), mais plutôt pour atteindre une réconciliation, voire une sérénité intérieure avant de lui/se rendre hommage. De même que la mère biologique la nourrissait autrefois en la préservant dans son corps, de même le corps textuel des filles-auteures, la conserve à jamais : la mère donne naissance et la fille la re-naissance (Ernaux, 1988, p. 43)15. Cette alimentation et cet abri mutuels, tout comme une reconstruction de l’image maternelle à la fois réelle et idéale, ainsi que la topique du ça, du moi et du surmoi freudien dans cette relation complexe, feront certes des pistes très importantes d’études psychanalytiques qui dépassent les limites de cet article.

Notes

[1]    Il s’agit, en effet, d’une présentation très hâtive de définitions pour des notions déjà connues aux lecteurs avertis dans ce domaine, car l’intérêt porté à leur explication détaillée, aurait non seulement été superflues pour les chercheurs qui s’y intéressent, mais aussi nous aurait détourné de l’objectif essentiel de notre propos.

[2]    L’analyse sur la « place du sujet » se centralise dans les récits contemporains afin de délimiter le cadre de l’énonciation et d’interroger la voix selon un concept mutuel de dispersion et de resserrement comme le souligne à juste titre Dominqiue Rabaté, dans Vers une littérature de l’épuisement, estimant que la « narration se met […] en scène selon un certain effet de voix » (1991, p. 17).

[3]    Voir à ce sujet Julie Caron (2005), Vincent de Gaulejac (1994), Catherine Dubeau (2013), Caroline Eliacheff et Nathalie Heinich (2002), Marianne Hirsch (1989), Lilian Virginia Porto (2006), Lori Saint-Martin (1999), etc. Ajoutons également à cette liste le travail réalisé, par une approche plutôt psychologique, de K. Gadzala (2013) sur Autour de ma mère de Catherine Safonoff, Décidément je t’assassine de Corinne Hoex, Rien ne s’oppose à la nuit de Delphine de Vigan. 

[4]    On peut distinguer dans une idéologie les dimensions d’abord cognitive (telles dogmes, croyances -c’est ainsi-) ; de même que morale, à savoir jugements, valeurs, etc. (c’est bien, c’est mal…) ; ou bien normative, précédemment citée (il faut, on doit…). 

[5]    با مادرم همراه (1390).

[6]    Voir à ce sujet les citations suivantes : « Tous deux, le même désir d’arriver, mais chez lui, plus de peur devant la lutte à entreprendre, de tentation de se résigner à sa condition, chez elle, de conviction qu’ils n’avaient rien à perdre et devaient tout faire pour s’en sortir ‘coûte que coûte’. […] Elle était la volonté sociale du couple. » (1967, p. 39) ou bien lorsque le mot s’illustre à travers d’autres lignes de l’auteure qui la présente comme « Figure dominante, maîtresse de l’argent » (1967, p. 48) ou encore quand la narratrice la met au-devant de la scène du couple, par rapport à son père, en précisant que « Des deux, elle était la figure dominante, la loi. » (1967, p. 60).

[7]    Nous employons ce terme selon la définition de Larousse, à savoir « Trouble subit, agitation passagère causés par un sentiment vif » (Cf. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/%c3%a9motion/28829) ; des sentiments de honte et de haine de la mère : « j’avais honte de sa manière brusque » (1987, p. 63), « je la détestais » (1987, p. 49)aux autres sentiments d’indifférence (1987, p.62), de rejet (1987, pp.63 et 65) en passant par celui d’identification (1987, p. 46).

[8]    Cf. Claire Stolz, « De l’homme simple au style simple : les figures et l’écriture plate dans La Place d’Annie Ernaux », Pratiques [En ligne], 165-166 | 2015, mis en ligne le 01 octobre 2015, consulté le 10 juin 2020.

[9]    Si l’on se réfère à Rousseau, c’est en réalité parce qu’il est plus audacieux dans son entreprise autobiographique et qu’il tente d’ouvrir les territoires dont personne n’ose parler. Pour mieux se plonger dans son intimité et briser l’opacité des consciences, en effet, ce serait primordial de s’introduire, ne serait-ce quelque peu, dans l’opacité que l’on éprouve par rapport à soi-même. Dans ses Confessions, où l’auteur estime s’exposer sincèrement aux autres, Rousseau se découvre insaisissable ; car il est assez difficile de remonter le cours des souvenirs dans le temps. Il propose, en ce sens, une sincérité d’explication de la personnalité, un « enchaînement d’affections secrètes » (cité par Jean-François Perrin, 2008 ; OCI, p. 1149. Cf. Ibid. : 174 et OCIV, pp. 344, 351). Par ailleurs, du fait que l’autobiographie exprime le désir et l’occasion de transmettre une expérience de vie, par conséquent, elle s’offre à tout le monde, aussi bien au niveau de l’écriture d’une autobiographie -tout le monde peut l’écrire- qu’au niveau de la réception -elle est accessible à tous ; cette démocratisation du genre d’écrire et de lire les menus faits quotidiens, c’est ce que le critique appelle « …un renouvellement de la connaissance qu’il a de lui-même » dans L’Autobiographie en France (A. Colin, 1971, p. 65). De même, cette particularité ne saura soulignée que par la prestigieuse étude de Jean Starobinski, Jean-Jacques Rousseau, la transparence et l’obstacle (1957), pour insister sur la riche dimension de quête de compréhension de soi à la Rousseau, combinant la vérité et le travail d’invention de forme et d’« un langage aussi nouveau que [s]on projet » comme le souligne le préambule du manuscrit de Neufchâtel des Confessions, un tournant dans l’histoire du genre.

[10]  Voir French Review, vol. 87, N°4, pp. 171-178.

[11] L’expression empruntée à Janice Morgan, « Femmes et genres littéraires: le cas du roman autobiographique », in Protée, vol. XX, n° 3, automne 1992, p. 32.

[12] Cité par Cho Rong Kang, « Mettre en question les conditions autobiographique sous l'angle du féminin », in Revue d'Etudes Francophones, Séoul: Centre de recherches sur la Francophonie-Université Nationale de Séoul, n° 19, 2009, p. 383.

[13] Voir aussi F. Karimian et A. Arabi, « Annie Ernaux et GoliTraghi, trajet d’une écriture autobiographique », in Revue des Etudes de la Langue Française, vol. 8 Issue 2, n° de série 15, Ispahan, 2016, pp. 1-12. DOI : http://dx.doi.org/10.22108/RELF.2637.21677

[14] Voir supra, p. 9.

[15] « Il me semble maintenant, que j’écris sur ma mère pour, à mon tour, la mettre au monde ». Voir Annie Ernaux Une femme, Paris, Gallimard, 1988, p. 43.

[1]     ADLER Aurélie, « Annie Ernaux : émiettement et consolidation du sujet auctorial », in Eclats des vies muettes, Presses Sorbonne Nouvelle, Paris, 2012, pp. 177-192.
[2]     BARTHES Roland, La Chambre claireŒuvres complètes de Roland Barthes, Seuil, Paris, 1995-1996, tome III.
[3]     BEHBAHANI Simine, Accompagné de ma mère : une autobiographie, Edit. Soxan, Téhéran, 2012.
[4]     Boehringer Monika, « Ecrire le dedans et le dehors : dialogue transatlantique avec Annie Ernaux », in Dalhousie French Studies, 1999, N° 47, pp. 165-70.
[5]     BOILEAU Nicolas, « Un genre à part : l’autobiographie et la gynocritique », in La Fabrique du genre, LE FUSTEC Claude & MARRET Sophie (dir.), Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2008, pp. 289-304.
[6]     CHODOROW Nancy, Feminism and Psychoanalytic Theory, Yale University Press, New Haven & Londres, 1989.
[7]     CHODOROW Nancy, The Reproduction of Mothering: Psychoanalysis and the Sociology of Gender, University of California Press, Berkeley, 1978.
[8]     CUSSET Catherine & HOUSSIN Xavier, Ecrire, Ecrire, pourquoi ? Catherine Cusset, Entretien avec Xavier Houssin, Editions de la bibliothèque publique d’information, 2010, pp. 3-22.
[9]     CUSSET Catherine & PUIG Stève, French Review, vol. 87, N°4, mai 2014, pp. 171-178.
[10] CUSSET Catherine, La Haine de la famille, Gallimard, coll. « Folio », Paris, 2001.
[11] DIDIER Béatrice, L’Ecriture-femme, Presses Universitaires de France, Paris, 1981.
[12]  ERNAUX Annie, Une femme, Gallimard, Paris, 1987.
[13] GUSDORF Georges, “Conditions and Limits of Autobiography”, in Autobiography: Essays Theoretical and Critical, James Olney (dir.), traduit de l’allemand par James Olney, Princeton University Press, Princeton, 1980 [1956].
[14] GUSDORF Georges, Autobiographie, Lignes de vie 2, Odile Jacob, Paris, 1991.
[15] HIRSCH Marianne, The Mother/Daughter Plot: Narrative, Psychoanalysis, Feminism, Indiana University Press, Bloomington, 1989.
[16] IRIGARAY Luce, Le Temps et la différence, Livre de Poche, Paris, 1989.
[17] JACKEL Susan, “Canadian Women's Autobiography: A Problem in Criticism”, dans Gynocritics, Barbara Godard (dir.), ECW Press, Toronto, 1987.
[18] KARIMIAN Farzaneh & ARABI Atiyeh, « Annie Ernaux et Goli Traghi, trajet d’une écriture autobiographique », in Revue des Etudes de la Langue Française, 2016, vol. 8 Issue 2, N° de série 15, pp. 1-12. DOI : http://dx.doi.org/10.22108/RELF.2637.21677
[19] KARIMIAN Farzaneh & BAKHSHI Donya, « Les romans durasiens à la lumière de théories pratiques de Bourdieu », in Revue Recherches en langue et littérature françaises, automne et hiver 2019, vol. 13, N° 24, pp. 81-104.
[20] LECARME Jacques & LECARME-TABONE Elaine, Lautobiographie, Armand Colin, Paris, 1997.
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